Contre la PMA pour toutes ? Une argumentation différente des extrêmes

Alors que l’article concernant la possibilité pour les femmes homosexuelles et les femmes seules de recourir à la PMA a été voté par l’Assemblée Nationale le 27 septembre 2019, le débat n’est pas pour autant clos. Qu’il s’agisse de l’ouverture de la PMA pour toutes ou de la congélation d’ovocytes, il est important de faire un point pratique. Ici, il n’est pas question de remettre en cause le statut de parents des personnes homosexuelles et des femmes seules ni d’un quelconque droit de l’enfant.

Ainsi, le débat va porter sur des questions pratiques.

La situation actuelle de la PMA en France

La PMA est autorisée pour les couples hétérosexuels rencontrant des difficultés à concevoir naturellement un enfant. Les procédures peuvent être longues, puisque généralement, les couples doivent attendre un délai de 2 ans avant de pouvoir prendre rendez-vous dans un centre CECOS (Centre d’Étude et de Conservation des Œufs et du Sperme humains). La procédure PMA est alors entièrement prise en charge par l’assurance maladie, puisque l’infertilité est considérée comme un problème médical. Il convient aussi de savoir que la PMA coûte chère à la société, puisque rien que pour une congélation d’ovocytes, le coût s’élève aux alentours de 3 000 euros par femme.

Ouvrir la PMA aux femmes homosexuelles ainsi qu’aux femmes seules élargirait alors le nombre de patients (environ 2000 personnes de plus d’après les études menées). Les questions qui se posent en l’espèce sont : qui aura la priorité sur les dons de sperme ? Comment sera pris en charge financièrement la procédure pour les femmes homosexuelles et les femmes seules, ainsi que la congélation d’ovocytes ?

Pénurie de sperme ?

Nous savons très bien qu’il y a très peu de donneurs en France (environ 300 en 2016) et cela peut se comprendre, puisqu’il n’est jamais facile de donner ses gamètes, même pour aider un couple dans le besoin. Alors, comment les centres CECOS gèreront-ils cette problématique ?

D’après certains médecins référents de différents centres CECOS, le nombre de donneurs reste insuffisant déjà pour les couples infertiles. En effet, certains patients voient les délais s’allonger pour recevoir un don. Ces délais peuvent compter de 6 mois à 2 ans d’attente. Ainsi, avec l’augmentation de la demande, l’offre doit suivre aussi. Agnès BUZYN, ministre de la Santé affirme que le gouvernement prévoit une grande campagne de sensibilisation au don de sperme. Mais cela sera-t-il suffisant ? Peu probable. Le don de gamètes est quand même bien différent d’un don du sang, puisque c’est un partage du patrimoine génétique. Ainsi, la question de la priorité au don se pose. Les couples infertiles seront-ils prioritaires pour recevoir un don de sperme ? La réponse n’a pas encore été donnée.

La PMA pour toutes
La PMA pour toutes

De plus, un autre article de la loi bioéthique sur l’abandon de l’anonymat du don a été voté par l’Assemblée Nationale. En effet, le gouvernement souhaite que les enfants puissent obtenir des informations sur leur donneur à compter de leur majorité. Il est tout à fait compréhensible que les enfants issus d’un don souhaitent connaître leurs origines. Mais quid des donneurs ? Face à une probable pénurie, le gouvernement souhaite abandonner le principe de l’anonymisation du don. Quelle personne souhaiterait donner ses gamètes sachant que l’enfant à naître pourra connaitre son identité ? C’est bien pour cela que 75% des donneurs sont contre la levée de l’anonymisation du don.

La prise en charge de la PMA par l’assurance maladie ?

Une autre question se pose quant à la prise en charge de la procédure PMA pour toutes qui serait prise en charge, tout comme la congélation d’ovocytes par l’assurance maladie. Pour rappel, l’assurance maladie a pour objectif de prendre en charge de manière collective les frais relevant d’une pathologie médicale. La ministre de la santé Agnès Buzyn a répliqué que la Sécurité sociale remboursait déjà d’autres actes non thérapeutiques : « Je pense notamment à des actes de chirurgie esthétique sur un ressenti subjectif de mal-être ». Actuellement, « tous les gens qui ont recours à la PMA ne sont pas malades, et d’ailleurs ne guérissent pas à l’issue de cette pratique ». Ainsi, le projet tel qu’il est prévu organise la prise en charge par l’assurance maladie des frais liés à la PMA aux femmes homosexuelles et aux femmes seules n’ayant aucune pathologie médicale. L’assurance maladie deviendrait donc un organisme répondant plus aux problématiques sociétales qu’à celles de santé publique.

Par ailleurs, pour revenir sur les propos de notre Ministre de la Santé, je ne pense pas que l’on puisse dire que « tous les gens qui ont recours à la PMA ne sont pas malades ». Effectivement, l’infertilité n’empêche pas d’être en bonne santé, mais l’infertilité est généralement liée à d’autres maladies, comme l’endométriose, le cancer, des maladies génétiques etc. Autre point, concernant les actes de chirurgie esthétique, ces derniers sont pris en charge dans des conditions très strictes comme la réduction mammaire dans un objectif de prévention de maladies dorsales, ou toutes malformations physiques, même si ces dernières ne sont pas liées à une quelconque maladie. Il n’empêche que ces personnes ne sont pas dans le confort.

En parlant de confort, la prise en charge par l’assurance maladie de la conservation d’ovocytes fait aussi débat. Nous savons que l’évolution positive de la société fait que les femmes se consacrent beaucoup à leur carrière, et que par conséquent, elles reculent de plus en plus l’âge auquel elles souhaitent avoir des enfants. Ainsi, certaines femmes souhaitent conserver leurs ovocytes afin de décider (dans la limite de l’âge légal qui est de 43 ans) quand elles voudront concevoir un enfant, sans la pression naturelle de la ménopause. Soit.

Sauf qu’il serait plus intéressant d’agir sur le fond du problème. Pourquoi encore aujourd’hui les femmes ne peuvent décider d’avoir un enfant avant 35 ans ? La carrière, la pression, le stress, l’inégalité homme / femme ? Alors que Facebook et Apple ont été vivement critiqués pour avoir financé les congélations d’ovocytes de leurs salariées, en France, c’est l’État qui finance. C’est l’hôpital qui se fout de la charité.

Effectivement, aujourd’hui, les femmes font des études de plus en plus longues, et occupent des postes avec beaucoup de responsabilités. Mais cela ne doit pas être un problème pour concevoir un enfant et il faut encore agir sur ce point pour que les hommes et les femmes aient les mêmes droits concernant le travail. Il faut agir sur le fait qu’une femme enceinte ne doit pas être pénalisée au travail, ou à l’embauche. Voilà les vraies problématiques. En autorisant la congélation d’ovocytes à toutes les femmes, nous autorisons indirectement cette discrimination.

De plus, tout comme la PMA, la congélation d’ovocytes sera totalement prise en charge par l’assurance maladie, alors que c’est un choix personnel, relevant du confort. Il ne faut pas aussi oublier que cette procédure est un acte médical, qui peut être lourd, long et douloureux et pas sans conséquences.

En conclusion, l’objection et les réflexions concernant la PMA pour toutes doivent porter uniquement sur ces points pratiques que sont la pénurie de sperme, la priorisation et la prise en charge. Notre volonté d’égalité ne doit pas biaiser notre regard objectif sur ces problématiques concrètes.

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Elisa

Diplômée d'un Master 2 en droit pénal à l'Université de Rennes, je suis très impliquée dans la défense des droits fondamentaux et dans les conditions d'incarcération. Comme juriste, je souhaite transmettre ces connaissances pour rendre le droit plus accessible aux particuliers et aux professionnels.

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