Lorsqu’elle traverse une période de tension financière, l’entreprise peut recourir à la procédure de conciliation afin de surmonter la crise et de rétablir rapidement sa situation financière. Ce dispositif permet d’engager, avec l’assistance d’un conciliateur nommé par le président du tribunal de commerce, des négociations avec les principaux créanciers de l’entreprise, qu’ils soient fiscaux, sociaux, bancaires, bailleurs ou fournisseurs stratégiques. La procédure est en principe confidentielle, sauf si le dirigeant sollicite l’homologation de l’accord conclu.
Sommaire
Les conditions d’ouverture d’une procédure de conciliation
La procédure de conciliation peut être engagée lorsque l’entreprise fait face à des difficultés de nature juridique, économique ou financière, qu’elles soient avérées ou simplement prévisibles. Il peut s’agir, par exemple, d’un conflit entre associés, de la perte d’un marché stratégique, de tensions de trésorerie liées au non-paiement d’un client ou d’un contrôle fiscal mal engagé.
Elle est en revanche réservée aux entreprises qui ne sont pas en état de cessation de paiement ou qui s’y trouvent depuis moins de quarante-cinq jours au moment de la demande.
Pour cela, il faudra délivrer, au moment de la demande, des documents comptables attestant de l’absence de cessation des paiements de l’entreprise.
Une alternative plus souple à la procédure de conciliation est le mandat ad hoc (voir le tableau ci-dessous pour en connaître les différences).

Exemples de situations pour une procédure de conciliation
| Situation rencontrée | Application concrète de la conciliation |
| Remboursement du prêt garanti par l’État | Négociation d’un rééchelonnement du prêt, allongement de la durée de remboursement ou adaptation des échéances à la capacité financière de l’entreprise |
| Retard de remboursement du crédit d’impôt recherche | Obtention de délais de paiement auprès de l’administration fiscale dans l’attente du versement du crédit d’impôt |
| Crédit de TVA non remboursé | Aménagement des dettes fiscales et sociales afin de préserver la trésorerie jusqu’à la restitution |
| Redressement ou rappel fiscal | Mise en place d’un plan d’apurement compatible avec la poursuite de l’activité |
| Dettes de cotisations sociales | Négociation d’un échéancier global et sécurisé avec les organismes sociaux |
| Difficultés avec les établissements bancaires | Renégociation des concours bancaires et des conditions de remboursement |
| Arriérés de loyers commerciaux | Échelonnement de la dette locative ou remise partielle des loyers échus |
| Attente de subventions ou aides publiques | Mise en place de solutions de trésorerie transitoires et délais de paiement |
| Retards de paiement fournisseurs stratégiques | Négociation d’échéanciers adaptés pour sécuriser la chaîne d’approvisionnement |
| Risque de cessation des paiements | Restructuration anticipée des dettes afin d’éviter l’ouverture d’une procédure collective |
Les démarches pour obtenir une conciliation auprès du tribunal
Le dirigeant qui souhaite recourir à la procédure de conciliation doit adresser une demande écrite, appelée requête, au président du tribunal compétent. Cette initiative relève exclusivement du chef d’entreprise, à l’exclusion de tout tiers.
Le tribunal compétent est déterminé en fonction de la nature de l’activité exercée et du lieu d’implantation de l’entreprise. Les entreprises à activité commerciale ou artisanale relèvent de la juridiction commerciale territorialement compétente.

Contenu de la requête
La requête doit présenter une vision précise et sincère de la situation de l’entreprise. Elle comporte notamment :
- Une description de la situation économique, financière et sociale de l’entreprise,
- Un plan de financement et un compte de résultat prévisionnels,
- L’évaluation des besoins de financement et, le cas échéant, les solutions envisagées pour y répondre,
- Les mesures de redressement proposées,
- Les délais de paiement ou de remise de dettes nécessaires à la mise en œuvre de ces mesures.
Lorsque l’entreprise est en état de cessation de paiement, le dirigeant doit impérativement en indiquer la date exacte dans la requête.
Pièces à joindre à la demande de conciliation
La requête doit être accompagnée de documents permettant au tribunal d’apprécier la situation réelle de l’entreprise, notamment :
- Un extrait Kbis,
- Un état détaillé des créances et des dettes, assorti d’un échéancier et de la liste des principaux créanciers,
- Un état actif et passif des sûretés,
- Un état des engagements hors bilan,
- Les comptes annuels et documents financiers des trois derniers exercices, lorsqu’ils existent,
- Une attestation du dirigeant de non-cessation de paiement,
- Une attestation sur l’honneur confirmant l’absence de procédure de conciliation dans les trois mois précédents,
- Une déclaration précisant, le cas échéant, la prise en charge des frais de procédure par un tiers.
Modalités de dépôt de la requête
La requête doit être déposée ou adressée en deux exemplaires auprès du tribunal compétent.
Depuis le 1er janvier 2025, certaines juridictions commerciales ont été remplacées par des tribunaux des activités économiques, compétents pour connaître des procédures de mandat ad hoc, de conciliation et de procédures collectives. Cette évolution concerne notamment plusieurs grandes juridictions métropolitaines.
Les missions du conciliateur
À la réception de la requête, le président du tribunal convoque le dirigeant de l’entreprise afin d’entendre ses explications et d’apprécier la réalité des difficultés invoquées.
Lorsque la demande d’ouverture de la procédure de conciliation est accueillie favorablement, le président du tribunal rend une ordonnance d’ouverture, par laquelle il organise le cadre de la mission confiée au conciliateur.
Cette ordonnance précise notamment :
- L’identité du conciliateur désigné,
- L’objet et l’étendue de sa mission,
- Les modalités de sa rémunération,
- La durée de la procédure de conciliation.
Désignation du conciliateur
Le conciliateur est désigné par le président du tribunal. L’entreprise peut proposer le nom d’un professionnel, sans que cette proposition ne lie la juridiction.
Dans la pratique, la mission de conciliateur est le plus souvent confiée à un administrateur judiciaire, en raison de son expertise en matière de restructuration et de traitement des difficultés des entreprises.
Mission du conciliateur
Le conciliateur accompagne le dirigeant dans la recherche et la mise en œuvre de solutions propres à garantir la continuité de l’activité, notamment par la négociation de délais de paiement avec les établissements bancaires ou les fournisseurs stratégiques.
En concertation avec le chef d’entreprise, il élabore un protocole d’accord destiné à être soumis aux créanciers, afin d’obtenir des aménagements de dette tels que des reports d’échéance ou des remises partielles de créances, dans une logique de redressement durable de l’entreprise.
Durée de la mission du conciliateur
Le conciliateur est désigné pour une durée maximale de quatre mois. Cette durée peut être prorogée d’un mois supplémentaire, sans que la durée totale de la mission ne puisse excéder cinq mois.
La demande de prolongation relève exclusivement du conciliateur, qui doit en saisir le président du tribunal afin de justifier la nécessité de poursuivre sa mission.
Rémunération du conciliateur
La rémunération du conciliateur est prise en charge par l’entreprise. Elle est fixée d’un commun accord avec le chef d’entreprise ou le dirigeant, dans le respect des modalités arrêtées par le président du tribunal.
Son montant est déterminé en tenant notamment compte de la taille de l’entreprise, de la complexité de la mission et des diligences à accomplir. La fixation de cette rémunération doit demeurer proportionnée et ne pas constituer un obstacle financier au recours à la procédure de conciliation.
Le déroulement d’une procédure de conciliation
Le chef d’entreprise et le conciliateur travaillent en étroite collaboration tout au long de la phase préparatoire, qui vise à favoriser l’élaboration d’un accord de conciliation, également appelé accord amiable.
Dès l’ouverture de la procédure de conciliation, les créanciers sont temporairement privés de la faculté de solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l’encontre de l’entreprise, ce qui permet de sécuriser le cadre des négociations et de faciliter la recherche d’une solution concertée.
Période préparatoire avant la signature de l’accord
En concertation avec le chef d’entreprise, le conciliateur identifie les créanciers et partenaires économiques qui seront conviés à participer aux négociations, afin de rechercher une solution concertée aux difficultés rencontrées.
La procédure de conciliation a pour finalité la conclusion d’un accord amiable entre l’entreprise et ses principaux créanciers, tels que l’administration fiscale, les organismes sociaux ou les établissements bancaires, afin de traiter les difficultés financières et d’en prévenir l’aggravation.
Au cours des négociations, l’entreprise en difficulté peut également solliciter du juge l’octroi de délais de paiement, dans la limite de deux ans, à l’encontre d’un créancier qui l’aurait assignée en paiement, afin de préserver temporairement sa trésorerie et de favoriser l’aboutissement de l’accord.
Signature de l’accord de conciliation
Lorsque l’entreprise en difficulté et ses principaux créanciers parviennent à un consensus sur les mesures à mettre en œuvre, ils formalisent un accord de conciliation, lequel est ensuite soit constaté, soit homologué par le président du tribunal.
Cet accord permet notamment à l’entreprise d’obtenir des aménagements destinés à rétablir sa situation financière, tels que des délais de paiement, des remises de dettes, ainsi que l’abandon des intérêts et des pénalités de retard.
Les créanciers signataires sont tenus de respecter strictement les échéanciers et les engagements prévus par l’accord. En cas d’inexécution de ses stipulations par l’une des parties, le tribunal peut être saisi, soit par un créancier signataire, soit par l’entreprise, afin de constater la défaillance et, le cas échéant, de prononcer la caducité de l’accord.
Par ailleurs, durant la période d’exécution de l’accord de conciliation, des délais de paiement peuvent également être accordés au titre de créances non expressément couvertes par l’accord, lorsque la situation de l’entreprise le justifie.
Constatation ou homologation de l’accord de conciliation
Une fois l’accord amiable signé par les créanciers, deux modalités de validation peuvent être envisagées.
L’accord peut tout d’abord être constaté par ordonnance du président du tribunal, à la demande conjointe des créanciers et de l’entreprise en difficulté. Dans cette hypothèse, l’accord acquiert force exécutoire tout en demeurant strictement confidentiel.
Il peut également être homologué par jugement du tribunal, à la demande exclusive de l’entreprise. Cette homologation entraîne une mesure de publicité au greffe et met fin au caractère confidentiel de la procédure.
Constatation de l’accord
À la demande conjointe du chef d’entreprise et des créanciers signataires, le président du tribunal peut constater l’accord de conciliation. Cette constatation lui confère force exécutoire, rendant ses stipulations obligatoires pour l’ensemble des parties qui s’y sont engagées.
Contrairement à l’accord homologué, l’accord simplement constaté ne fait l’objet d’aucune mesure de publicité. Il conserve ainsi un caractère strictement confidentiel, préservant la discrétion de la démarche et les relations de l’entreprise avec ses partenaires.
Homologation de l’accord de conciliation
Seul le chef d’entreprise est habilité à solliciter l’homologation de l’accord de conciliation par le tribunal. Cette homologation n’est accordée que si plusieurs conditions cumulatives sont réunies.
L’entreprise ne doit pas être en état de cessation de paiement ou, à défaut, l’accord conclu doit permettre d’y mettre fin. Les stipulations de l’accord doivent également garantir la poursuite de l’activité et assurer un traitement équitable des créanciers qui n’y ont pas adhéré.
Une fois homologué, l’accord fait l’objet d’une publicité au greffe du tribunal, sans que son contenu ne soit divulgué. La procédure perd ainsi son caractère strictement confidentiel, tout en préservant la confidentialité des engagements précis pris entre les parties.
Lorsque l’entreprise est dotée d’un comité social et économique, le dirigeant est tenu d’en informer le comité social et économique de l’accord homologué.
Dans cette hypothèse, les créanciers concernés doivent déclarer au juge-commissaire l’existence de ce privilège. Ils ne peuvent être imposés de délais de paiement et sont réglés par priorité, immédiatement après les créances salariales et certains frais de justice.
Différence entre conciliation et mandat ad hoc
| Mandat ad hoc | Conciliation | |
| Cessation des paiements | Non | Ne pas être en cessation des paiements depuis plus de 45 jours |
| Intervenants | Le mandataire ad hoc est désigné par le président du tribunal compétent. Le chef d’entreprise peut proposer le nom d’un mandataire ad hoc. | Le conciliateur est désigné par le président du tribunal compétent. Le chef d’entreprise peut proposer le nom d’un conciliateur. Le plus souvent, le conciliateur est un administrateur judiciaire. |
| Durée | Aucune durée maximale | 5 mois maximum |
| Coût | Il est librement déterminé par les parties. Les conditions de rémunération du mandataire sont fixées par le président du tribunal. Les parties peuvent convenir, en cas d’accord, qu’une partie des frais de conseil des créanciers sera mise à la charge du chef d’entreprise. Le président du tribunal exerce un contrôle sur la rémunération du mandataire ad hoc. | Il est librement déterminé par les parties. Les conditions de rémunération du conciliateur sont fixées par le président du tribunal. Les parties peuvent convenir qu’une partie des frais de conseil des créanciers sera imputée au chef d’entreprise en cas d’accord. Le président du tribunal exerce un contrôle sur la rémunération du conciliateur. |
| Objectif | Mission fixée par le président du tribunal pour résoudre la difficulté rencontrée par le chef d’entreprise | Oui, sauf si accord homologué. Dans ce cas, l’existence de l’accord est connue par la publication d’un avis de jugement sur le Bodacc. |
| Confidentialité | Oui | Oui, sauf si accord homologué. Dans ce cas, l’existence de l’accord est connue par la publication d’un avis de jugement sur le Bodacc. |
| Suspension des poursuites des créanciers | Non | Non, sauf si le président du tribunal a accordé des délais de grâce sur demande du chef d’entreprise |
| Fin de la procédure | Oui, sauf si accord homologué. Dans ce cas, l’existence de l’accord est connue par la publication d’un avis de jugement sur le Bodacc. | Favoriser la conclusion d’un accord amiable entre le chef d’entreprise et ses principaux créanciers ou préparer la cession partielle ou totale de l’entreprise (cession pré-négociée) |
Télécharger un modèle de requête pour demander une conciliation auprès du tribunal de commerce
Modèle de requête au format PDF
Modèle de requête au format Word
Vidéo : mon avis et retour d’expérience de la procédure de conciliation
Foire aux questions (FAQ) sur la procédure de conciliation
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